Apollon, un tsunami de photons
By Marc STEFANON on , 09:10 - Visites - Permalink
10 Petawatts, cela vous parle ? 7000 fois la puissance installée d’EDF, ou le flux de chaleur transporté par le Gulfstream. Heureusement qu’à l’Orme des Merisiers les tirs d’Apollon ne dureront que 15 femtosecondes, ce qui permet d’accepter l’idée qu’un tel déferlement, record mondial, peut être produit avec une machine de 150 Watts.
Visitons ensemble, ce labo niché dans l’ancien bunker de l’ALS de Saclay. A l’invitation du groupe X-Recherche, suivons François Amiranoff (74), directeur du projet Apollon. Descendons de 10m, mettons blouses, sur-chausses et charlottes. Sous nos pieds, un dalle de 2m d’épaisseur à l’épreuve de toutes vibrations ; tout autour, des murs de 4,80m pour absorber les neutrons fugueurs, et au centre, une salle de 700 m2. Au départ, un petit cristal que l’on excite, émet un éclair cohérent de 20 Fs dans une longueur d’onde entre 0,6 et 1 μ, qui est étiré 10000 fois, dans un faisceau de 10cm de diamètre. L’éclair étiré est ensuite amplifié par un grand monocristal Titane-saphir, d’environ 20cm de diamètre, réémettant dans le vert à 0,3 μ. Trois étages d’amplification, sous vide, permettent d’obtenir une puissance de 300 joules. Le rayon laser, de 30cm de diamètre, est enfin comprimé en longueur à 15μ portant la puissance finale à 10PW. Il sera ensuite séparé, pour les besoins des différentes expériences en 4 faisceaux : 10PW, 1PW et 10MW, et un faisceau sonde.
A quoi sert une telle puissance? Dans la salle « grandes focales », le rayon sera utilisé comme accélérateur de particules (ions, électrons..), 10 fois plus rapide que les accélérateurs linéaires, pour accéder à des champs ultra forts, domaine de l’électrodynamique quantique. Les applications attendues : étude des plasmas, simulation de phénomènes astrophysiques, traitement des déchets nucléaires, imagerie médicale, traitement des tumeurs… Dans la salle « courtes focales », les tirs iront bombarder des cibles solides et générer des faisceaux de protons, d’électrons, d’ions et de rayons X. De quoi réviser nos idées sur le comportement de la matière en régime ultra-relativiste.
Apollon est un peu un symbole des synergies de Paris-Saclay : 11 labos y concourent, dont l’Ecole Polytechnique, le CNRS, le CEA. 50 M€, ce n’est pas bien cher quand des labos du monde entier espèrent, en 2018, y repousser les limites de la physique fondamentale.
La visite d’Apollon était la première d’un cycle de visites de labos destinées à faire connaître à l’ensemble de la Communauté Polytechnicienne, les travaux et les trajectoires de chercheurs, de formation ingénieur ou doctorants. La prochaine sera celle du Laboratoire de Meteorologie Dynamique, sous la conduite de Riwal Plougonven (X 95), le 20 mars 2018. Inscriptions sur http://www.polytechnique.net/x-recherche/events. A la clé, une démo du Lidar de télédétection atmosphérique.